Affinité chimique et attraction générale
La recherche de la nature des affinités conduit tout chimiste perspicace, newtonien ou non, à se poser la question suivante : la force d’affinité est-elle de nature identique à la force de cohésion et à la force d’attraction générale ? Limbourg se la pose ainsi :
« La force par laquelle les corps s’unissent est-elle différente de celle par laquelle ils se tiennent unis ? La propriété, qui fait unir ensemble l’or & l’argent, est-elle différente de celle, qui fait cohésion, lorsqu’ils sont mêlés ? L’affinité donc est-elle différente de la cohésion & par conséquent des attractions en général ? » [17].
Questions pertinentes auxquelles Limbourg, prudemment, apporte une réponse que nous sommes tentés de qualifier « de normand » :
« Ainsi, les Affinités Chymiques sont fort analogues à la propriété, dont la Physique générale traite sous le nom d’attraction & elles ne semblent être qu’une même propriété, seulement différente par degrés ; la Physique la considérant sous le nom d’Attraction dans les corps où elle s’exerce en masses, simples ou composées, & sans diviser les corps en leurs élémens, au lieu que la Chymie la considère sous le nom de Rapport ou d’Affinité dans les corps, où elle s’exerce entre leurs élémens même en les divisant, ou du moins avec un effort tel qu’on ne pourrait les séparer sans cette division" [18].
Mais ceci n’éclaire pas la cause (cause première) des affinités, que l’auteur ne semble pas rechercher véritablement. En effet, il adopte une position prépositiviste :
« l’on objectera que la comparaison des affinités avec l’attraction n’éclaircit guère l’essentiel de leur cause & que je me serai efforcé à établir que les affinités sont aussi obscures dans leur principe, que le sont les autres attractions. Mais à l’égard des affinités ; comme dans la Physique générale il faut convenir du peu de clarté, qu’on a sur cette matière & de l’impossibilité où l’on est jusqu’à présent de déterminer leur cause effective, c’est-à-dire, d’où dépend le mouvement qui s’opère pour faire approcher l’une vers l’autre, deux substances, au point de les confondre ... » [19] .
Et si l’affinité est le nom donné à une propriété réelle, sensible et très certaine, elle reste obscure dans sa cause première :
« Nous sommes donc obligés de nous borner aux causes secondes, aux effets essentiels & aux phénomènes, que nous observons clairement en résulter ».
Sur la nature de ces causes secondes, Limbourg semble vouloir faire un compromis entre les conceptions mécanistes qu’il rejette en général mais dont il garde quelques éléments et les attractions newtoniennes.
Malgré le peu de clarté de son exposé sur la nature ou la cause des affinités, il arrive à énoncer des règles générales à leur propos ; elles sont au nombre de 10 ; elles résument les idées développées auparavant et tentent de classer des réactions où interviennent plusieurs corps et de nombreux facteurs.