André LAWALREE
Chef de Département Honoraire au Jardin Botanique National de Belgique
Résumé
Une lettre jusqu’ici inédite de Barthélemy Dumortier permet de preciser quelles difficultés, de la part de certains naturalistes aussi bien que de certains politiciens, son auteur dut surmonter pour arriver à faire instituer par l’Etat belge en 1870 un jardin botanique d’état voué à la recherche scientifique.
Samenvatting
Een brief van Barthélemy Dumortier over de stichting, in 1870, van de Nationale Plantentuin van België - Een tot nog toe onuitgegeven brief van Barthélemy Dumortier laat toe te bepalen welke moeilijkheden hij diende te weerstaan om te komen tot de oprichting, door de Belgische Staat in 1870, van een rijksplantentuin met wetenschappelijke bestemming. De moeilijkheden kwamen zowel van de kant van natuurkenners als van sommige politici.
Abstract
The author publishes a hitherto unedited letter of Barthélemy Dumortier, which throws light on the obstacles put forward by certain naturalists and politiciens in the way of the founding of the Belgian Botanical Garden. Dumortier surmounted the obstacles and the institution was created in 1870.
I. INTRODUCTION
A Ambleteuse, au Laboratoire Charles Maurice, des Facultés catholiques de Lille, j’ai trouvé, glissées dans un exemplaire de l’Hepaticae Europae : Jungermannideae Europae post semiseculum recensitae, adjunctis Hepaticis, auctore Barth. Car. Du Mortier... (1874, Bruxellis et Lipsiae), trois lettres autographes de Barthélemy Charles Joseph Dumortier (Tournai 1797-1878) à Jean Charles Antoine Chalon (Namur 1846-1921), datées du 25 août 1870, du 17 octobre 1875 et du 25 octobre 1875. La première lettre parle de la reprise par l’Etat belge du Jardin botanique de Bruxelles et de la création du Jardin botanique national de Belgique ; elle contient des données inédites.
Il. LA LETTRE DE DUMORTIER
Voici le texte de cette lettre, conservée dans les collections des Facultés catholiques de Lille.
Bruxelles ce 25 août 1870
Mon cher et savant Confrère
C’est une bien mauvaise chose que de remettre ses réponses. Je voulais vous faire une belle lettre et les événements se sont succédé, tellement rapides, tellement graves que de jour en jour le temps m’a manqué. D’abord c’étaient les Elections du 14 juin, puis la formation du ministère, les élections du 2 août, les événement de la guerre, tout cela m’a pris tous mes loisirs et pardessus cela la grosse affaire de l’herbier de Martius et de l’organisation du jardin botanique pour lesquelles je lutte tous les jours depuis plus de deux mois, contre M. Bellefroid directeur général des sciences et des lettres et contre MM. Dupont et Coomans.
Vous ne sauriez vous faire d’idée des embarras, des peines et des soucis que me donne cette affaire et des intrigues qui s’y rattachent. M. Bellefroid voudrait supprimer le jardin botanique et le remplacer par un palais des beaux-arts. Il veut, d’accord avec MM. Coomans et Dupont, donner les herbiers au Musée zoologique et on dit que déjà ces Messieurs y ont placé M. Crépin. Celui-ci a déjà déclaré dans le dernier numéro de nos bulletins page 152 que l’herbier de Martius était destiné au Musée d’histoire naturelle, ce qui viendrait anéantir mes projets que vous connaissez. Cette lutte est des plus sérieuses car j’ai contre moi de directeur général Bellefroid et tous les artistes qui veulent s’emparer du jardin, plus les intrigues de MM. Dupont et Coomans. Encore une fois vous ne sauriez croire les peines et le temps que cela me prend : mais il s’agit ici de l’avenir de la botanique dans notre pays et il faut l’emporter.
Je continue à Tournay ma lettre commencée avant hier à Bruxelles, ce qui vous montre combien je suis occupé. Fonder dans la capitale un grand centre de botanique où les matériaux scientifiques du pays seraient réunis comme à Kew, voilà le projet que je nourris et auquel je travaille sans relâche. On ne croirait pas qu’après avoir fait acheter l’herbier et le jardin je dusse éprouver de telles difficultés, mais quand il faut lutter contre toutes les influences de la bureaucratie, l’ouvrage est rude, et c’est surtout ce si rude ouvrage qui m’a mis en retard près de vous.
L’honneur que vous me faites en voulant me dédier votre savant traité de botanique est trop grand pour que je n’y sois pas sensible. Bien d’autres avaient certes plus de titres à cet honneur, au point de vue de la science, mais au point de vue de l’affection d’un cœur qui vous aime, Je dois reconnaître que le mien peut difficilement être surpassé.
J’ai reçu votre beau travail sur les Loranthacées, qui m’a vivement intéressé et dont je vous adresse tous mes remerciements.
Vale et me ama
B.C. Du Mortier