Centre National d’Histoire des Sciences - Nationaal Centrum voor de Geschiedenis van Wetenschappen

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mardi 18 septembre 2012 par Matta

III. LA CREATION DU JARDIN BOTANIQUE NATIONAL DE BELGIQUE

Plusieurs auteurs, entre autres Jean Edouard Bommer (Bruxelles 1829- 1895) en 1871 et Roland Tournay (Boussu 1925-Bruxelles 1972) en 1970, ont écrit l’histoire de la création du Jardin botanique national de Belgique. Comme leurs textes sont peu répandus et que la lettre de Dumortier apporte des éléments inédits, voici un nouveau récit de cette création.

Dès 1867, la Société royale d’Horticulture de Belgique, propriétaire à Bruxelles du Jardin botanique, chercha à le vendre, en souhaitant que l’acquéreur gardât à cette propriété son caractère de jardin botanique. Les pourparlers avec la ville de Bruxelles n’ayant pas abouti, le gouvernement envisagea d’acheter le Jardin, qui couvrait alors cinq hectares et demi. Dumortier l’y poussait, auréolé du triple prestige de l’âge, de sa carrière politique et de ses travaux scientifiques. Il souhaitait qu’existât à Bruxelles « un grand centre de botanique où les matériaux scientifiques du pays seraient réunis comme à Kew » (cfr lettre ci-dessus). Eudore Pirmez (Marcinelle 1830-Saint-Gilles-lez-Bruxelles 1890), Ministre de l’Intérieur, s’était rallié au projet de Dumortier à la condition que celui-ci défende lui-même à la Chambre la demande de crédit.

Mais en 1869 un écrivain, Louis Adolphe Geelhand, dit Schoonen (Anvers 1820-Vilvorde 1894), suggéra au gouvernement d’acquérir le Jardin, d’en démolir les bâtiments et de construire à leur place un Palais des Beaux-Arts.

Le 23 janvier 1870, une convention de vente fut signée entre la Société, la ville de Bruxelles et le gouvernement. Ce dernier s’engageait (art. 6) à conserver à la propriété une destination publique. Il comptait suivre la suggestion de Geelhand. Mais le 14 février, les actionnaires de la Société, réunis en assemblée générale s’opposèrent à ce projet. Ils ne ratifièrent la convention, à une majorité de 6 voix alors qu’ils étaient 222, que le 26 février, après que Dumortier leur eut assuré au nom du gouvernement que les serres seraient conservées et que le Jardin deviendrait un centre de recherche botanique où serait déposé l’herbier personnel et les collections de Carl Friedriech Philipp von Martius (Erlangen 1794-Munich 1868).

Alerté par Alphonse Louis Pierre Pyramus de Candolle (Paris 1806- Genève 1893), par Anton Friedrich Spring (Geroldsbach 1814-Liège 1872), ancien élève et ami de von Martius, et par August Wilhelm Eichler (Neukirchen 1839-Berlin 1887), Dumortier poussa le gouvernement belge à acquérir l’herbier personnel du célèbre botaniste munichois (*). Le 18 mars 1870, la Chambre vota le crédit de 32.000 francs nécessaire pour cet achat.

Le 28 mars, le Conseil communal de Bruxelles approuva la convention concernant le Jardin. Le Projet de loi d’acquisition du Jardin fut présenté à la Chambre le 7 avril par le Ministre de l’Intérieur ; il fut voté le 18 avril par la Chambre et le 16 mai par le Sénat. La loi du 7 juin 1870 autorisa le gouvernement à acquérir le terrain et les bâtiments du Jardin, pour un million de francs. L’acte définitif de vente fut passé le 28 juin, et le prix d’achat payé comptant.

Le premier juillet 1870, l’Etat entra en possession du Jardin. Avant la fin de l’année, il lui attribua un embryon de personnel scientifique, technique et administratif. Par arrêté ministériel du 23 juin, Jean Edouard Bommer avait été nommé Conservateur des collections, fonction qu’il remplissait auparavant dans la Société royale d’Horticulture de Belgique, et avait été chargé de diriger provisoirement la nouvelle institution sous le contrôle d’une Commission d’organisation et de surveillance, bientôt remplacée par un Conseil de surveillance.

La lettre de Dumortier publiée ci-dessus montre que les opposants à la création au Jardin d’un institut de recherche botanique et les partisans de son remplacement par un Palais des Beaux-Arts n’avaient pas encore désarmé à la fin d’août 1870. Le septuagénaire tournaisien confie ses tribulations à Chalon, qui venait à peine d’entrer dans sa vingt-cinquième année mais était docteur en sciences naturelles et avait déjà publié neuf ou dix travaux botaniques, parmi lesquels sa Revue des Loranthacées (Mém. Public. Soc. Sci., Arts et Lettres Haianut. sér. 3, 5 : 257-343, 1870). En janvier 1871, le « savant traité de botanique » de Chalon dont parle Dumortier sortira des presses de l’éditeur Paul Godenne à Namur, sous le titre La vie d’une plante, Cours complet de Botanique à l’usage des gens du monde (743 p.). On y trouve cette dédicace :

« A Monsieur B. Du Mortier, Président-Fondateur de la Société Royale de Botanique de Belgique. A vous, le vétéran de la science des Plantes sur notre libre terre de Belgique, je dédie ce livre. Votre nom à sa première page en sera le Palladium. J. Chalon ».

J. Lambert Bellefroid (Zepperen 1814-Bruxelles 1890), un des adversaires de Dumortier, était en août 1870 Directeur général des Sciences et des Lettres. Il fut Secrétaire général du Ministère de l’Intérieur, puis celui de l’Agriculture, de l’Industrie et des Travaux publics. Il voulait faire du Jardin un Palais des Beaux-Arts et transférer au Musée d’Histoire naturelle les herbiers de feue la Société royale d’Horticulture. Bien entendu, les artistes l’appuyaient, ainsi que les naturalistes du Musée d’Histoire naturelle.

(*) J. E Bommer a écrit cet herbier (1871, p. 419-424).


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