Centre National d’Histoire des Sciences - Nationaal Centrum voor de Geschiedenis van Wetenschappen

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Conférence

mardi 29 novembre 2011 par admin

D’autres recettes sont moins fidèles, à l’exemple de l’une d’entre elles concernant le cerf, et visant à raffermir les dents branlantes : Ad dentes qui moventur. Cornu cervuno conbustum in cinere eius pulvere dragma I. vino ciato I. aquaciatus II. mel ciato I. potui dabis miraveris effectum. Chez Sextus Placitus, une recette (presque) similaire est en réalité destinée à la jaunisse et aux coliques : Ad morbum regium. Cornus cervini pulverem dragmam I cum vini ciato I et aquae ciatos II potui dabis, miraberis effectum bonum. Eadem ratione ventris solutionem cohibet. Sextus préconise effectivement également la corne de cerf pour raffermir les dents, mais sous forme de dentifrice : Ad dentes, qui moventur. Cornu cervi conbustum dentes, qui moventur, confirmat, si eo pro dentifricio, cinere eius usus fuerit.
Outre les recettes modifiées, on trouve dans le Bestiarius un nombre important de recettes à priori totalement originales. C’est forcément le cas pour les animaux qui ne se retrouvent pas chez Sextus Placitus, mais on trouve également des recettes originales pour des animaux déjà cités chez ce dernier auteur, à l’exemple de la belette ou des oiseaux.
On constate, de manière générale, la brièveté des recettes et leur extrême simplification. L’auteur privilégie par ailleurs certaines maladies ou gênes physiques, citées plus souvent que les autres : la guérison des narines malodorantes, mais aussi les morsures de serpents et les problèmes oculaires. Et il fait enfin état de pratiques magiques parfois assez difficiles à comprendre, par exemple : Si quis cum alio homine rixa habuerit ossibus aquile pulvere facis ovas formicirias teneras integras in ovo mittis sic pulverem manducet cum tibi peccatus fuerit aceto dabis ei bibere. De telles pratiques magiques ne sont pas du tout exceptionnelles dans les textes du Moyen-Âge issus des monastères, et on trouve des recettes différentes mais dans le même esprit magique dans d’autres réceptaires de Saint-Gall.
Si une partie de ces recettes provient de Sextus Placitus, que dire des recettes originales ? De manière générale, nous restons dans une tradition médico-magique proche de Pline. Mais une tradition très déformée, évoluée, qui ne se raccroche pas directement à Pline lui-même, ni à ses dérivés, ni à aucun des réceptaires variés que nous avons pu consulter. Il est donc probable que le Bestiarius fait état d’un niveau d’adaptation supplémentaire de la tradition médico-magique plinienne.

La seconde période du Moyen Âge est marquée par un changement qualitatif de la place des animaux dans la médecine, suite à la (ré)introduction d’œuvres comme celles d’Aristote, de Galien, d’Avicenne, mais aussi des Cyranides. Quelques-unes des traditions médico-magiques pliniennes apparaissent cependant encore dans des domaines à priori assez inattendus. Tout d’abord, dans les riches bestiaires, qui ne sont pas des ouvrages à vocation médicale. Selon Pline, en effet, si un homme souffrait de maux d’intestins, on pouvait presser un chiot sur son ventre ; le chiot gagnait alors la maladie. Les bestiaires font état au sujet du chien de deux traditions « médicales » : le chien se guérit en se léchant, et par extension il guérit aussi les plaies de l’homme en le léchant ; le chiot, attaché au ventre du malade, guérit celui-ci. Certains bestiaires, mélangeant les deux traditions, évoquent aussi la langue du chien qui guérissait les intestins. D’autres animaux, dans les bestiaires, ont une tradition médicale : entre autres le cerf et ses cornes, le castor et ses testicules et l’éléphant et ses poils et os brûlés.
Par ailleurs, selon certains illustres chirurgiens de l’école de Salerne, lorsque les intestins du patient sortaient du ventre suite à une blessure, il fallait les réchauffer et les ramollir en posant un animal ouvert sur les intestins du blessé. Une miniature d’un traité de chirurgie du XIIIème siècle (Bibl. Casanatense, 1382, fol. 23v) illustre l’acte chirurgical par l’usage d’un chiot (cum catulo). L’usage spécifique du chiot laisse croire que l’on se trouve face à la rationalisation d’une croyance « magique » antique. D’autres animaux utilisés en chirurgie sont le porc et le coq.
Notons enfin qu’une partie de l’oeuvre d’Hildegarde de Bingen, le De Physica, est consacrée à l’usage médical des animaux. Ses sources sont très diverses, mais Hildegarde montre une profonde originalité et parfois une grande divergence par rapport à la tradition, qu’elle soit plinienne ou salernitaine. Par exemple, elle ne reconnaît au chien, comme seul usage médical, que sa langue guérisseuse ; le reste ne vaudrait rien, serait même considéré comme du poison, alors que le chien fut largement utilisé dans tous les domaines de la médecine et à toutes les époques. Par contre, faire brûler de la corne de cerf serait très utile pour faire fuir les esprits de l’air, empêcher les envoûtements et chasser les vermines. Elle incorpore également des « nouveaux » animaux, qui se détachent de la culture méditerranéenne (tels les aurochs, ou les bisons), et effectue des distinctions entre la valeur médicinale des diverses fourrures et peaux animales.


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