Les verriers utilisaient de préférence les bois de hêtre et de frêne [20] qui « produisaient une forte flamme et peu de braises », en revanche, ils employaient peu de bois blanc (sapins, trembles...) dont ils trouvaient « la flamme pâle et languissante » (L’Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné .... 1765). Néanmoins la lenteur et le coût élevé des transports déjà signalés plus haut, incitaient les maîtres de fournaises à utiliser de préférence les combustibles situés à proximité de leur manufacture [21].
Selon les auteurs de l’Encyclopédie, la meilleure façon de « préparer » ce bois était de le tailler en petites bûches « que l’on puisse embrasser entre le pouce et le doigt du milieu ». Ces « billettes » offraient un double avantage ; d’une part ces bûchettes étaient dépouillées d’une écorce qui conservait au bois son humidité et ralentissait sa combustion, d’autre part, leurs petites tailles permettaient un dosage plus précis des quantités nécessaires.
La bonne chauffe d’un four dépendait de l’exactitude du maître tiseur qui devait constamment éviter que celui-ci « ne jeune » [22] ou « ne se boucanne » [23]. Soucieux d’améliorer cette ponctualité des tiseurs qui était la meilleure garantie d’une chauffe exacte, certains imaginèrent de les « obliger à tourner d’un pas égal à l’entour du four ... et chaque fois qu’ils passent devant la glaie [24]... de mettre dans le tisar une même quantité de billettes ... le pas d’un bon tiseur est tel qu’il fait la valeur de 7 lieues pendant les 6 heures qu’il travaille ... » (L’Encyclopédie .... 1765).
Il est difficile de déterminer avec précision les quantités de charbon et de bois respectivement utilisées par chacune de nos verreries. Néanmoins nous pouvons émettre certaines estimations basées sur différentes sources ; ces données, malheureusement, ne peuvent être comparées car ces renseignements ne correspondent pas chronologiquement, ne se rapportent pas aux mêmes verreries ou sont exprimés en unités totalement incomparables. Cependant il nous paraît intéressant de signaler quelques ordres de grandeur. En 1762, les propriétaires de la verrerie de Bruxelles estimaient leur consommation de houille à 160 chariots [25]
par an [26].
Un rapport de 1770 évaluait la consommation annuelle d’une verrerie à quelques 2 millions de livres de charbon [27].
D’août 1775 à novembre 1780, la verrerie de Sart Moulin utilisa annuellement quelque 1.460.000 livres de ce même combustible [28].
En ce qui concerne l’utilisation du bois, en 1755 la veuve d’Harvengt estimait sa consommation annuelle à 1.600 cordes de bois, soit à peu près 3.520 m3 [29]. Enfin en 1774, Loys signalait que la verrerie d’Outscheid « employait au moins 1.700 cordes de bois, mesure de France par an » [30], soit à peu près 1.700 m3 [31].
Ainsi donc, si ces quelques données numériques ne nous permettent pas de percevoir les quantités exactes de charbon et de bois utilisées par les verreries dans nos régions au XVIIIème siècle, d’autres éléments nous laissent entrevoir une prédominance de plus en plus marquée de la houille. Parmi ces éléments, citons les renseignements recueillis sur chaque manufacture et qui nous laissent apercevoir une hausse progressive de l’emploi de ce combustible.
D’autre part, nous assistons à cette époque, à un vaste mouvement d’acquisition de mines par les propriétaires de verrerie. Ainsi Godeneche souhaitait-il installer une manufacture à Hornu, afin de « pouvoir exploiter ses houilles » [32].
G. N. Moreau, maître verrier carolorégien était « parconnier » pour un quart dans la veine de Grusia, à Charleroi (Douxchamps-Lefebvre, 1966). Quant aux Desandrouin, pour citer un dernier exemple, ils possédaient plusieurs veines [33],
avant de se retrouver à la tête de la fameuse compagnie d’Anzin.